Vous saurez tout sur le tout

 

A plusieurs endroits dans la Somme de théologie, saint Thomas évoque la distinction entre les différentes sortes de tout selon les parties qui composent le tout.

Cette distinction est importante. C’est notamment autour d’elle qu’il a organisé son étude des vertus cardinales dans la Secunda-Secundae. Chaque vertu cardinale est considérée comme un tout dont il revient d’étudier les différentes parties.

Les trois sortes de tout

 

  • Le tout intégral, composé de parties intégrantes.

Par exemple, la maison est un tout intégral, composé d’un mur, d’un toit et de fondations qui sont les parties intégrantes. Ces parties servent à constituer le tout. Le tout ne peut pas exister sans ces parties.

 

  • Le tout universel, composé de parties subjectives.

Par exemple, l’animal est un tout universel, composé entre autres du bœuf et du lion qui sont des parties subjectives. Ces parties sont des espèces du tout. Le tout est entièrement présent dans chaque partie.

 

  • Le tout potentiel, composé de parties potentielles.

Par exemple, l’âme est un tout potentiel, composé entre autres de la puissance nutritive et de la puissance sensitive. Ces parties contiennent l’essence du tout, mais pas toutes ses puissances. Le tout est présent dans chaque partie selon son essence, mais pas selon sa puissance.

 

Les parties subjectives ont chacune également et aussi bien que toutes ensemble, tout ce qu’il y a de puissance active dans le tout. C’est ainsi que tout ce qu’il y a de puissance active dans l’animalité, en tant qu’animalité, se retrouve dans chacune des espèces animales, qui sont ensemble et également les divisions du genre animal. […] A chacune des parties potentielles le tout est présent avec toute son essence, comme l’essence toute entière de l’âme est présente à chacune de ses facultés. […] [Les parties intégrantes], toutes ensemble, doivent réaliser le tout, sans que chacune d’elles en ait toute la puissance active et toute l’essence.

[ST III, q. 90, a. 3, co.]

L’âme est un tout potentiel

L’âme est un tout potentiel dont les puissances sont les parties potentielles.

Un tout, c’est ce qui est divisible en parties. Il y aura donc trois sortes de totalité, selon les trois sortes de division : 1. Un tout peut être divisible en parties quantitatives, comme le tout d’une ligne, d’un corps. 2. Un tout peut être divisé logiquement ou réellement en parties de l’essence : par exemple, l’objet défini se divise selon les parties de la définition, le composé se résout en matière et en forme. 3. Il y a encore le tout potentiel, qui est divisible du point de vue de l’étendue de sa vertu en puissance d’action. […]

L’âme ne possède, ni par soi ni indirectement, de totalité quantitative. Il suffit donc d’admettre qu’elle est tout entière dans une partie quelconque du corps, sous le rapport de la totalité d’essence et de perfection ; mais non pas selon la totalité de sa vertu. Car elle n’est pas selon toute sa puissance dans chaque partie du corps ; au contraire, la faculté de voir est dans l’œil, celle d’entendre, dans l’oreille, etc.

[ST I, q. 76, a. 8, co.]

Cette manière de parler [La mémoire, l’intellect et la volonté sont essentiellement l’âme] est juste si l’on pense à la relation qu’un tout potentiel soutient avec ses parties. Le cas de ce tout est intermédiaire entre celui du tout universel et celui du tout intégral. Le tout universel se trouve en chacune de ses parties avec toute son essence et toute sa puissance : ainsi « animal » par rapport à l’homme et au cheval. On peut donc attribuer rigoureusement ce tout à l’une quelconque des parties. Quant au tout intégral, il n’est en aucune manière en entier dans chacune des parties. L’attribution ne peut donc se faire à chacune d’elles, prise individuellement ; on peut néanmoins le faire d’une manière impropre, en attribuant ce tout à l’ensemble des parties ; on dit ainsi que le mur, le toit, les fondations sont la maison. Le tout potentiel est bien en chaque partie avec toute l’essence, mais non avec sa puissance entière. On pourra donc en faire l’attribution à l’une quelconque des parties, mais non aussi rigoureusement que dans le cas du tout universel. Et c’est ainsi que S. Augustin entend que la mémoire, l’intellect et la volonté sont l’essence même de l’âme.

[ST I, q. 77, a. 1, ad 1]

Les vertus cardinales et leurs parties

Chacune des vertus cardinales peut être considérée soit comme un tout intégral, soit comme un tout universel, soit comme un tout potentiel. A chaque sorte de tout correspond différentes sortes de parties.

Il y a trois sortes de parties : intégrantes, ainsi le mur, le toit, les fondations comme parties d’une maison ; subjectives, ainsi le bœuf et le lion comme parties du genre animal ; et potentielles, ainsi la faculté nutritive et la faculté sensitive comme parties de l’âme. On peut donc attribuer des parties à une vertu de trois manières.

Tout d’abord, à la manière des parties intégrantes : en ce cas, on appellera parties d’une vertu les éléments concourant nécessairement à l’acte parfait de cette vertu. […]

On appelle parties subjectives d’une vertu ses diverses espèces. […]

On appelle parties potentielles d’une vertu les vertus annexes ordonnées à des actes ou matières secondaires, signifiant par ce nom qu’elles ne possèdent pas toute la puissance de la vertu principale.

[ST II-II, q. 48, co.]

Nous avons dit que la vertu cardinale pouvait avoir trois sortes de parties : intégrantes, subjectives et potentielles. Les parties intégrantes d’une vertu sont les conditions qui concernent nécessairement la vertu. […] Les parties subjectives d’une vertu sont ses espèces. Mais on doit diversifier les espèces de la vertu selon la variété de la matière ou objet. […] Les vertus potentielles d’une vertu principale sont les vertus secondaires qui, en certaines autres matières où l’on ne rencontre pas la même difficulté, observent une mesure identique à celle qu’observe la vertu principale envers la matière principale.

[ST II-II, q. 143, co.]

Les parties intégrantes d’une vertu sont les éléments qui composent cette vertu, les parties subjectives sont des espèces de cette vertu, les parties potentielles sont des vertus annexes.

A propos des vertus annexes, saint Thomas explique par ailleurs :

Lorsqu’on étudie les vertus rattachées à une vertu principale, il faut se rappeler un double principe. D’abord, ces vertus coïncident en quelque point avec la vertu principale. Ensuite, il leur manque quelque chose de ce qui définit parfaitement cette vertu.

[ST II-II, q. 80, co.]

Voici donc les différentes parties qui composent les vertus cardinales :

 

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