Quelques aspects de l’humanité du Christ

Quelles connaissances avait le Christ ? Pourquoi le Christ avait-il des déficiences ? Qu’est-ce que la communication des idiomes ? Le Christ avait-il plusieurs volontés ? Le frère John Emery nous introduit à l’enseignement de saint Thomas d’Aquin sur ces aspects de l’humanité du Christ.

La science du Christ

Les déficiences du Christ

La communication des idiomes

Les volontés du Christ

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Résumé

La science du Christ

Après avoir parlé de la grâce du Christ, saint Thomas parle de la science du Christ. Le Prologue de l’Evangile de Jean dit que dans le Christ se trouve « la plénitude de la grâce et de la vérité », et que nous recevons une participation à cette grâce et à cette vérité. Dans un être humain, la vérité est une science, une connaissance, une sagesse. La Sagesse incréée reçoit aussi une sagesse créée lorsqu’elle se fait homme.

Saint Thomas pose différentes sciences ou connaissances humaines.

  • Pour la science de Dieu, nous possédons la foi, qui est une vraie connaissance et ne supprime pas notre raison.
  • Notre raison s’applique à connaître ce que notre foi connaît, elle coopère avec notre foi en cherchant à comprendre tout ce qu’elle peut comprendre. Cela ne diminue pas la foi, mais la rend plutôt plus vigoureuse.
  • Il peut aussi y avoir des lumières particulières, que certains saints ont reçues, comme les prophètes à leur époque : une image, un mot, parfois en rêve, donne une connaissance surnaturelle distincte de la connaissance de foi, qui est plus centrée sur Dieu, et distincte de notre connaissance humaine expérimentale.

La triple forme de connaissance se trouve aussi dans le Christ. La différence, c’est que sa connaissance, centrée sur Dieu, n’est pas une connaissance de foi. Comme Il est Dieu, Il ne croit pas en Dieu, mais Il connaît. Il connaît Dieu comme nous connaîtrons Dieu au ciel, c’est-à-dire par la connaissance de la vision de l’essence divine. Cette connaissance est aconceptuelle, ou plutôt supra-conceptuelle, parce qu’ici, le concept est Dieu lui-même qui s’unit à notre intelligence. Pour exprimer ce que nous connaissons à travers cette connaissance, nous devons faire appel à notre connaissance humaine, et nous mettons des mots sur des réalités qui excèdent nos concepts et nos mots. C’est ce qui s’est passé aussi avec le Christ. Depuis sa conception, dit saint Thomas, il a possédé cette connaissance supra-conceptuelle de ce qu’est Dieu, que lui-même est Dieu et de quelle était sa mission. Il en a toujours eu conscience. Nous voyons qu’à 12 ans, il a conscience de qui il est et qu’il a une mission. Ce qui va se développer durant sa vie, c’est sa connaissance humaine, comme la nôtre. Il apprend progressivement les choses. Il pourrait tout connaître dans l’essence divine. Mais Il a voulu — et c’est l’Évangile de Luc qui nous le dit — croître en sagesse. Il grandit dans le développement, dans l’application, dans les actes de cette sagesse et de cette grâce. Le Christ a la plénitude de la science appelée infuse — celle que reçoivent les prophètes — pour ce qui concerne surtout sa mission. Par cette voie de la science infuse, on pourrait connaître pratiquement tout ce qu’il y a dans l’ordre créé, et certains ont postulé que, de fait, le Christ avait connu tout ce qui peut être connu, — c’est un sujet ouvert à la discussion théologique –. Ce que nous pouvons affirmer, c’est que tout ce dont il a eu besoin, toutes ces lumières et son expérience, sa science acquise au cours des années, ensemble, l’aident à transmettre ce qu’il sait par sa connaissance de l’essence divine.

Les déficiences du Christ

Au milieu de la première moitié de l’étude du Christ, on trouve quelques questions sur les déficiences du Christ, sur les imperfections qu’il y a dans le Christ. Le sens de ces questions, de ces déficiences, de ces imperfections, saint Thomas le donne à plusieurs endroits, mais au début de son étude, à la question 14, il dit qu’il y a trois raisons à la présence des déficiences ou des imperfections qui se trouvent dans le Christ :

  • En premier lieu, pour manifester la vérité de son incarnation, pour que l’on ne mette pas en doute qu’Il est vrai homme. Notre expérience de l’humanité est celle d’une humanité blessée par le péché et sujette à de nombreuses pauvretés ; par exemple à la souffrance, à la faim, et aux autres choses auxquelles nous sommes habitués.
  • En second lieu, ces imperfections lui permettent d’exercer les vertus, parce que, si la charité — la première et la principale de toutes les vertus — n’a pas besoin de déficiences pour s’exercer, et nous l’exercerons pleinement au ciel, la patience, par exemple, ou l’humilité, et d’autres vertus, s’exercent à l’intérieur des relations avec les autres et avec notre propre corps, qui impliquent une imperfection. Et dans ce sens, Il nous donne un exemple de vertu.
  • Et, en troisième lieu, le Christ est venu pour nous sauver. Et si, fondamentalement, il nous sauve par son amour, comme nous le voyons à la croix, il choisit d’exprimer cet amour, et de vivre cet amour aussi à travers l’expérience de la souffrance. Il vient nous sauver, nous qui avons cette expérience, et quand il nous invite à le suivre, il nous invite à le suivre non seulement sur le chemin de l’amour, mais aussi sur le chemin de l’amour qui souffre.

La communication des idiomes

Il y a des propriétés — c’est ce que veut dire « idiome » — d’une nature qui s’appliquent à quelqu’un qui est d’une autre nature.

Au concile d’Éphèse, l’exemple était : Marie, Mère de Dieu, « Θεοτόκος » (théotokos). Le fait d’avoir une mère — quelque chose de propre à l’être humain — est appliqué à Dieu. Cela n’a pas été compris par certains. L’Église, cependant, a discerné et trouvé la manière juste de le dire et de le confesser. On peut inclure d’autres affirmations. Par exemple, l’homme pardonne les péchés — une action qui est propre à Dieu — ; ou même : Dieu est mort — dans un sens très différent de chez Nietzsche.

Qu’est-ce qui se passe dans la communication des idiomes ? Saint Thomas explique que nous pouvons utiliser le nom « Dieu » ou le nom « homme » de deux manières. Nous pouvons nous référer à la nature ou au sujet. Lorsque je dis « Dieu », je peux être en train de parler de la nature divine ou je peux parler d’un sujet de nature divine. Dans ce cas, nous avons trois sujets de nature divine : le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Quand je dis « homme », je peux être en train de parler de la nature humaine, ou je peux être en train de parler d’un sujet de nature humaine. Je peux dire, par exemple : l’homme est un être capable de connaître. Je suis en train de parler de la nature humaine. Si je dis : l’homme a bu un verre d’eau. Je suis en train de parler d’un sujet de nature humaine. Lorsque nous appliquons des choses propres à une nature, au sujet de l’autre nature, l’affirmation est vraie. Par contre, si j’applique une propriété d’une nature à l’autre nature, cette affirmation est fausse. Par exemple, si je dis : Marie est Mère de Dieu quant à l’essence divine, cette affirmation est fausse. Par contre, si je dis : Marie est Mère de quelqu’un qui est Dieu, d’un sujet qui est Dieu, d’une Personne Divine, c’est vrai.

Par cette seule expression si brève : Marie, Mère de Dieu, par exemple, on dit tout le mystère de l’Incarnation : que quelqu’un qui est Dieu a des propriétés humaines ; que quelqu’un qui est homme a des propriétés divines. Cela nous indique aussi qu’en nous l’humain est appelé à s’unir au divin sans supprimer l’humain.

Les volontés du Christ

Saint Thomas traite de la question des volontés dans le Christ principalement pour montrer qu’il y a en lui deux volontés.

Dans le premier article, il montre d’abord sa connaissance des premiers conciles et des discussions à ce sujet.

Après cela, il expose une série de distinctions dans la volonté humaine du Christ, qui aident à comprendre un passage difficile pour le théologien, qui est celui de Jésus à Gethsémani, lorsque Jésus dit : « que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui se fasse » ; lorsque nous voyons un certain combat, une certaine agonie dans le Christ, dans son humanité. Saint Thomas va dire que, dans le Christ, il y a une volonté divine et une volonté humaine, et que cette volonté humaine, nous pouvons la considérer de différentes manières.

  • Il dit pour une part que la volonté humaine peut être considérée comme une volonté rationnelle, une volonté spirituelle, et qu’il y a une participation de cette volonté spirituelle dans l’affectivité humaine. Cela ne se rencontre pas chez les animaux, qui ont une affectivité similaire à la nôtre dans l’ordre passionnel, dans leurs sentiments les plus animaux, mais comme ce ne sont pas des êtres spirituels, ils ne possèdent pas cette participation au spirituel, au rationnel. Notre affectivité passionnelle (des passions), cette affectivité en nous, saint Thomas l’appelle une certaine volonté par participation, cette sensibilité.
  • Ensuite, la volonté proprement dite peut être considérée comme une certaine nature. En tant que nature, notre volonté tend vers, est déterminée par son propre bien.
  • La volonté proprement dite peut aussi être considérée comme agissant rationnellement et étant capable de choisir ce qui est le plus convenable. En tant que rationnelle, — comme l’appelle saint Thomas — en tant que raison, cette volonté va choisir un bien ou un autre.

Avec cette tripe distinction dans la volonté humaine, saint Thomas va expliquer que lorsque Jésus est confronté à la mort dans le déroulement de sa mission, sa volonté comme participation — c’est-à-dire sa sensibilité –, sa sensibilité veut éviter la souffrance, éviter la mort, et une sensibilité qui s’oppose à la mort est saine. Sa volonté comme nature considère la vie comme quelque chose de bon, et par conséquent, sa volonté comme nature s’oppose aussi à la mort. Mais sa volonté comme raison est capable d’ordonner et de choisir un bien plus grand que la vie temporelle, que la vie terrestre du Christ. Et alors, il peut choisir quelque chose en y intégrant l’opposition, saine et juste, de sa volonté comme nature et de sa sensibilité ou volonté par participation.

Par conséquent, lorsque Jésus dit : « que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui se fasse », lorsqu’il dit : « que ce ne soit pas », cette expression est celle de sa volonté humaine entière qui incorpore tous ces éléments. « Que ce ne soit pas » : telle est sa volonté, sa volonté qui s’exprime. Ensuite, il dit : « ma volonté », là il parle de sa volonté par participation, en soi de sa sensibilité, de sa volonté en tant que nature qui adhère au bien qu’est la vie ; et il dit : « mais la tienne », évidemment la volonté de Dieu, dont on pourrait dire, pour compliquer encore un peu : c’est sa volonté, sa propre volonté divine, et c’est maintenant sa volonté, sa volonté humaine entière. Il choisit la volonté de Dieu. Sa sensibilité ne s’oppose pas à la volonté de Dieu, parce que la sensibilité est incapable de saisir la volonté de Dieu comme quelque chose de bon ; et sa volonté comme nature ne s’oppose pas à la volonté de Dieu, simplement elle s’oppose à la mort. Par conséquent, dans le Christ, il n’y a pas une opposition, une lutte entre ces volontés. Il y a un ordre qui ne va pas sans souffrance, sans ce combat que nous voyons dans sa sensibilité, mais qui a lieu dans une véritable paix, parce que sa volonté est complètement unie et ordonnée à la volonté de Dieu.

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