Philosophie et théologie

La foi a-t-elle besoin de la philosophie ? Et la théologie ? En quoi la philosophie peut-elle être utile à la théologie ? Le frère Thierry-Dominique Humbrecht nous éclaire sur ces questions.

La foi a-t-elle besoin de la philosophie ?

Auriez-vous un exemple de notion philosophique reprise en théologie ?

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Résumé

La foi a-t-elle besoin de la philosophie ?

La foi n’a pas besoin de la philosophie. Comment un message qui est révélé par Dieu pourrait-il avoir besoin d’un autre message qui, lui, est péniblement conquis par la raison humaine ?

En revanche, la théologie a besoin de la philosophie, parce que la théologie, c’est un effort de réflexion rationnelle sur la foi. Avec l’intelligence, on prend la mesure de ce à quoi on croit et on commence à faire des liens : entre le péché originel et l’Immaculée Conception, par exemple. C’est un effort de réflexion qui consiste à faire des liens, à montrer l’intelligence profonde qui unit les mystères de la foi. Toutes les phrases du Credo se répondent. Elles sont profondément tissées les unes aux autres. L’effort de la théologie sera d’en rendre compte avec les mots les plus précis possibles, qui sont d’abord ceux de l’Ecriture, mais aussi ceux de la philosophie.

Pour parler par exemple de la Trinité : on parle d’une substance (Dieu) en trois personnes (Père, Fils et Saint-Esprit). Cela n’est pas nécessaire seulement au théologien, mais aussi au chrétien qui doit pouvoir rendre compte de sa foi. C’est la même chose quand il est question de rendre compte de l’humanité et de la divinité du Christ, ou de la théologie de la providence. Il faut une réflexion chrétienne. La théologie sert à cela. Il faut à la théologie des mots, et les mots viennent de la philosophie.

Pourriez-vous nous donner un exemple de notion philosophique reprise en théologie ?

La philosophie n’est pas nécessaire à la foi. Elle est utile à la théologie, en tant que la théologie est une œuvre de réflexion rationnelle sur la foi. De tout temps, la théologie chrétienne a su faire son miel du meilleur de la pensée humaine et donc du meilleur des philosophes.

Aristote avait laissé bien des problèmes et bien des limites comme le fait, par exemple, que Dieu ne connaisse pas le monde et ne s’en occupe pas. Mais il a laissé aussi quelques idées géniales. Une de ses inventions les plus originales et les plus profondes en philosophie de la nature, c’est le binôme entre « acte » et « puissance », entre ce qu’il y a de permanent dans l’être et ce qui est en devenir. L’acte est toujours premier : il préside à toute capacité de changement dans les êtres. Pour qu’un embryon se développe et devienne un jour une personne humaine complète, il faut qu’il soit un être humain dès le départ. On ne devient pas être humain. Il y a donc un certain acte qui est présent dès le premier instant. L’acte est là pour manifester que quelque chose va perdurer à travers des modifications qui peuvent être très importantes. C’est l’acte qui va permettre à un être de se développer, selon sa nature, jusqu’à sa perfection.

La deuxième idée d’Aristote est celle de « nature ». Pour lui, la nature désigne la capacité pour un être d’agir par lui-même et s’il se modifie, de le faire par lui-même et non par un autre. Certains êtres ont la capacité d’agir par eux-mêmes et d’autres non. Une pierre ne sait rien faire, elle ne peut que tomber selon les lois de la gravitation. Même les animaux les plus frustres ont une capacité d’agir par eux-mêmes. C’est inscrit dans leur être que d’être capables de se nourrir, de croître et de se reproduire. C’est encore plus vrai pour l’homme qui, en outre, est capable de penser et d’aimer librement par lui-même en vertu de sa nature. Ce concept de « nature » va se trouver extrêmement précieux lorsqu’il va s’agir de parler de Dieu comme providence et de parler des choses de la vie spirituelle. Ou bien Dieu fait tout tout seul, ou bien il agit en faisant agir les créatures qu’il a lui-même mises en place selon leur nature respective.

Est-ce que Dieu décide à notre place ce que nous allons devenir, ou est-ce qu’il fait participer notre liberté ? Le concept de nature intégré à une théologie chrétienne de la grâce dit quelque chose de très profond. Dieu fait tout, mais non pas tout seul, non pas selon son mode qui est divin, mais avec le concours de l’homme. Cela implique que nous participions à notre salut. La providence intègre notre participation libre, cette capacité d’agir par nature, par nous-mêmes à notre salut. C’est ce que saint Thomas appellerait la différence entre Dieu, qui est la « cause première » de toutes choses, et nous qui sommes des « causes secondes », placées sous l’action de la cause première qui est Dieu.

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