La présence de Dieu en toutes choses

L’explication donnée par saint Thomas sur la présence de Dieu en toutes choses est-elle basée sur la Bible ou est-elle seulement philosophique ?

L’explication la plus complète que donne saint Thomas de l’omniprésence de Dieu se trouve dans le Commentaire des Sentences, et on la retrouve environ douze ans plus tard dans la Somme de théologie. Dès le début, dans le Commentaire des Sentences, on peut remarquer qu’elle est complètement philosophique et complètement théologique à la fois. Elle part de trois textes de la Sainte Ecriture, très importants dans la tradition de la pensée à ce sujet :

• Un passage du prophète Jérémie (chapitre 23), qui parle de l’omniprésence de Dieu, mais en se concentrant sur la connaissance que Dieu a de toutes choses.
• Le premier chapitre de l’épître aux Hébreux, qui parle de l’omniprésence du Fils, considérée du point de vue de la contention. Le Père soutient toutes choses par sa parole : le Fils. Ce texte fonde la présence du Verbe en tous lieux.
• Un passage du chapitre 5 de l’Evangile selon saint Jean, où Jésus dit que le Fils œuvre en continuité avec le Père. Toute présence exige immédiateté et aussi continuité, permanence.

Comment donc saint Thomas explique-t-il la présence de Dieu en toutes choses ?

L’explication est aussi philosophique. L’argument possède une sophistication que l’on ne trouve pas chez les prédécesseurs immédiats de saint Thomas. Chez saint Thomas, l’argument principal est basé sur trois hypothèses fondamentales :

• La simultanéité entre la cause et l’effet, entre celui qui opère et ce qui est opéré.
• L’immédiateté de l’action.
• La continuité de l’action.

L’omniprésence de Dieu est basée sur l’opération simultanée, c’est-à-dire immédiate et permanente de Dieu sur les choses. L’effet de l’action de Dieu est l’être même des choses.

Comment la pensée de saint Thomas sur l’omniprésence de Dieu est-elle liée à celle de ses prédécesseurs immédiats ?

Le manuel de Pierre lombard était le manuel de base : saint Bonaventure, saint Albert le Grand, la Summa fratris Alexandris se fondent dessus. Pierre Lombard se fonde lui-même sur saint Augustin. La source principale est donc saint Augustin, et plus particulièrement la lettre 187 à Dardanus.

Bien qu’il dise que Dieu est présent dans les choses en tant que Créateur, saint Augustin se concentre avant tout sur la comparaison entre la présence de Dieu dans le monde et la présence de la quantité et de la qualité dans la substance corporelle. Dieu est lui-même tout entier en toutes choses. Ce n’est pas le cas de la quantité dans la substance : elle est un peu dans une partie, un peu dans une autre, etc.

Cet enseignement de saint Augustin est repris par Pierre Lombard, qui se concentre davantage sur la question de l’incirconscription. L’argument de Pierre lombard est le suivant : si les choses se meuvent, alors elles doivent être circonscrites ; comme Dieu est immuable, alors il n’est pas circonscrit. Pour les maîtres franciscains, il est important de démontrer comment Dieu est présent en toutes choses et, par conséquent, c’est l’attribut de l’infinitude ou de l’immensité qui apparaît au premier plan. Il est important pour eux d’expliquer pourquoi Dieu est en toutes les choses, plutôt que le fait qu’il soit présent en toutes choses. Saint Albert le Grand et saint Thomas vont se concentrer sur l’explication du fait que Dieu est en toutes choses. L’explication de saint Thomas est cependant plus articulée et synthétique que celle de saint Albert, dans la mesure où il réunit en un seul argument les arguments dispersés de saint Albert.