Le but de la vie humaine et comment on y parvient

Quel est le but de la vie humaine ? Comment y parvient-on ? Le père Michael Sherwin nous introduit à la vie morale selon saint Thomas d’Aquin.

Pourquoi commencer la théologie morale par la question du bonheur ?

Comment Thomas d’Aquin a-t-il déterminé le but de la vie humaine ?

Qu’est-ce qui constitue un acte humain ?

Comment détermine-t-on le caractère moral d’un acte ?

Pourquoi saint Thomas traite-t-il si longuement des passions ? Pourquoi étudier les passions ?

Qu’est-ce qu’une vertu ou un vice ?

Quelle est la différence entre les vertus, les dons et les fruits du Saint-Esprit ?

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Résumé

Pourquoi commencer la théologie morale par la question du bonheur ?

Quand Aristote commence son éthique, la toute première chose qu’il dit, c’est que toute activité est toujours dans un but. Si nous regardons tous les animaux de la création, toutes leurs activités sont ordonnées à leur épanouissement, les hommes y compris. Avec les anciens, nous commençons par la question de savoir ce que signifie s’épanouir, ce que signifie vivre une vie humaine réussie. Le Seigneur suit une méthode similaire : il commence le sermon sur la montagne, son grand traité sur la vie chrétienne, avec la question du bonheur, de la béatitude. La question du bonheur est la question qui nous pousse à mieux nous comprendre nous-mêmes, et à mieux comprendre l’appel de l’Evangile à la sainteté.

Comment Thomas d’Aquin a-t-il déterminé le but de la vie humaine ?

Thomas commence par ce qui est le plus évident pour nous, pour essayer de remonter à ce qui est moins évident. Tous les mouvements dans le monde semblent être orientés vers une cause finale, vers un but. Quand on regarde cette sorte de hiérarchie dans la création, chaque animal agit en vue de ce qui est pour lui son principe. Par exemple, l’épanouissement du chien s’enracine dans ce qui est principe dans la nature du chien. La détermination du but de la vie humaine doit s’enraciner dans la détermination de ce qui est principe dans la personne humaine. Pour Thomas d’Aquin, le grand exemple est Boèce. Boèce avait tout ce que le monde de son époque pouvait considérer comme de la réussite. Il avait tout, puis il a tout perdu. On commence à discerner le but de la vie humaine quand on se demande ce que nous désirons le plus profondément. Est-ce la réputation ? On peut la perdre. Est-ce la santé ? On peut la perdre aussi. Est-ce les amis et la famille ? On veut toutes ces choses qui sont toutes de bonnes choses, mais elles aussi passent. Nous voulons le plus profondément quelque chose qui nous apporterait un complet épanouissement et qui ne pourrait pas se perdre. En regardant toutes les possibilités pour le but de la vie humaine, saint Thomas en vient à la conclusion que l’aspiration la plus profonde de notre cœur ne peut vraiment être satisfaite que par ce qui ne peut pas être perdu et par ce qui est éternel. Le seul candidat pour cela est Dieu lui-même. Dieu correspond entièrement à nos aspirations les plus profondes, à nos désirs les plus profonds de connaître et d’aimer. Il est le seul objet qui soit digne à la fois de toute notre attention et de tout notre amour. Tout le reste trouve sa valeur en cela. Le but n’est pas d’être seul avec Dieu, mais d’être avec Dieu en compagnie des autres. Le but de l’Espérance chrétienne est décrit comme le royaume de Dieu.

Qu’est-ce qui constitue un acte humain ?

Très souvent, le mot « moral » est utilisé d’une manière qui veut décrire quelque chose d’ajouté à l’acte humain. Mais l’acte morale est simplement l’acte humain. L’acte humain est ce pour quoi nous sommes responsables. C’est quelque chose qui est fait avec connaissance et amour, avec l’intellect et la volonté. C’est un acte informé choisi librement, digne de louange ou de blâme. Chaque acte a une valeur : pour le bien ou pour le mal. Pour Thomas, l’acte humain est simplement un acte qui est fait avec connaissance et délibération, connaissance et choix.

Comment détermine-t-on le caractère moral d’un acte ?

Il faut de l’âge et donc de l’expérience pour comprendre cela. Dans le contexte de la vie ordinaire, les gens apprennent la qualité morale d’un acte en étant introduits aux coutumes d’une communauté. On apprend ce qui est bon pour nous sous la conduite d’autres personnes. Les gens autour de nous nous enseignent ce qui est bon pour nous et, à travers les épreuves et les erreurs, nous commençons à faire confiance aux autorités dans notre vie, ou à ne pas leur faire confiance. La plupart des gens répondent à la question du caractère moral d’un acte en vivant leur vie et en apprenant des autres au sein d’une communauté. Mais il y a des moments où nous sommes dans l’incertitude. C’est pourquoi l’étude de l’éthique peut nous aider à analyser de manière scientifique ce que nous faisons normalement sans y réfléchir.

Quels sont les éléments de l’acte humain ? Nous pouvons devenir très techniques sur le sujet : l’objet (élément matériel et élément formel), les circonstances, le but. Toutes ces questions sont au service d’une question plus profonde : « Quel est le vrai bien, et cette action est-elle ordonnée à ce bien ? » Nous utilisons souvent des analogies liées au mouvement local, mais Saint Thomas n’aime pas le mot « moyens » en vue d’une fin ; il ne l’utilise pas souvent. Il utilise en fait l’expression « ad finem » : des actes qui sont ordonnés à la fin, des actes qui participent à la fin. Donc, déterminer la fin d’un acte, déterminer le caractère moral d’un acte, c’est commencer par la question : « Qu’est-ce que le bien, qu’est-ce qui apporte l’épanouissement à l’homme, et cet acte est-il en harmonie avec l’épanouissement humain ? » Ou bien : « Peut-on poser un tel acte et demeurer dans la fin ? »

La manière dont Thomas d’Aquin détermine les éléments d’un acte est en réalité une réflexion de deuxième degré sur ce que la plupart des gens apprennent simplement par l’expérience.

Pourquoi saint Thomas traite-t-il si longuement des passions ? Pourquoi étudier les passions ?

On tente parfois de faire du jugement moral un jugement spéculatif. Mais dans l’agir humain, le jugement que nous posons sur ce qu’il faut faire ici et maintenant n’est pas un acte de raisonnement spéculatif, car nous sommes influencés par nos émotions. Les choses nous apparaissent en fonction de nos amours. On étudie les passions, car notre vie émotionnelle influence et forme nos jugements, et nous cherchons comment elle devrait le faire. Nos émotions font partie intégrante de ce par quoi nous apprenons ce qui est bon et ce qui est mauvais dans notre environnement. La « mémoire émotionnelle » est le réservoir d’expériences du bien et du mal dans notre environnement.

On peut avoir un amour désordonné pour certaines choses qui finit par être destructeur pour nos finalités les plus profondes. L’étude des passions nous aide à comprendre le type de vie émotionnelle que nous devrions avoir, afin de poser un jugement correct sur ce qui est vraiment bon pour nous ici et maintenant. Les émotions ont un rôle complet à jouer. Elles ne sont pas mauvaises, elles ne devraient pas être réprimées, mais elles devraient être intégrées dans nos vies. Poser un acte moralement bon présuppose de savoir qui nous sommes réellement, présuppose d’aimer son vrai bien en ayant une vie émotionnelle ordonnée.

Qu’est-ce qu’une vertu ou un vice ?

Le terme « vertu » apparaît très rarement dans le Nouveau Testament, mais les mots traditionnels désignant les vertus apparaissent souvent. L’Eglise n’a pas hésité à décrire, par exemple, la foi, l’espérance et la charité comme des vertus.

Dans les cultures grecque et latine, les vertus sont des excellences morales qui font habituellement partie du caractère d’une personne. Ainsi, la vertu a été définie – sur la base des catégories d’Aristote – comme un « habitus ». Il s’agit d’un trait de caractère qui n’est pas facilement modifiable, qui me dispose à agir d’une certaine manière. Le vice est un trait de caractère qui me dispose à agir d’une manière qui ne va pas dans le sens de mon épanouissement. La grande tradition a découvert que la vertu nous dispose à agir avec aisance, promptitude et une certaine joie.

Tout cela est par analogie, car le Nouveau Testament parle principalement des excellences qui sont des dons de Dieu : la justice, la première, nous dispose à rendre à Dieu et aux autres ce qui leur est dû. Il y a aussi le vrai courage face au danger, sur lequel le Nouveau Testament met l’accent, la persévérance, la patience au sein des épreuves. La persévérance et la patience qui vont jusqu’au martyre sont un témoignage jusqu’à la mort de l’amour de Dieu. Il y a aussi la tempérance. Tous sont des traits de caractère que le Nouveau Testament décrits comme étant infus. Le sommet de ces traits de caractère est la connaissance habituelle de qui est Dieu dans la foi, et cette aspiration habituelle, ce désir d’être uni à Dieu dans le Ciel qui est l’espérance, et aussi l’amour de Dieu déversé dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous est donné. Ces traits de caractère, nous les appelons vertus, par analogie avec les traits de caractère acquis que des humains de toutes les cultures ont découverts. Les vertus théologales nous disposent à connaître et aimer Dieu avec aisance, promptitude et vraie joie.

Quelle est la différence entre les vertus, les dons et les fruits du Saint-Esprit ?

C’est une question qui naît du simple désir d’être fidèle au témoignage de l’Ecriture. L’Ecriture parle de ces traits de caractère que nous appelons les « vertus ». Saint Paul parle des traits de caractère (Foi, Espérance, Charité, persévérance, etc.), et aussi des fruits du Saint-Esprit. Dans l’Ancien Testament, à un endroit reconnu comme faisant référence au Messie, dans Isaïe, il y a les dons du Saint-Esprit.

Quel est le lien entre les vertus, les dons et les fruits ? La première réflexion, la plus simple peut-être, est que le fruit est quelque chose qui « provient ». Il est le produit du travail de la plante. Ce qui nous donne du plaisir, ce sont les fruits du travail. Ainsi, le fruit est en quelque sorte la plénitude de la vie des vertus. Les fruits résultent de la vie vertueuse. Ils sont : la paix, la joie, l’amour, etc. Nous expérimentons toutes ces choses lorsque nous agissons conformément aux vertus.

Pour les dons, il n’y a pas qu’une seule manière de les regarder, mais toutes les différentes traditions de l’Eglise reconnaissent ceci : c’est en quelque sorte lié à l’action du Saint-Esprit dans nos vies. Pour Thomas d’Aquin, cela signifie qu’ils nous sont donnés pour nous disposer à l’action de l’Esprit, comme les voiles sur un bateau. L’Esprit peut souffler, mais si les voiles ne sont pas là, nous ne serons pas mus par l’action du vent. Les dons sont également interprétés comme étant quelque chose qui va au-delà des vertus, qui nous dispose à une action prompte de l’Esprit dans nos vies, d’une manière que nous ne comprenons pas toujours. C’est quelque chose de créé en nous, parce que si c’est un don, c’est donné et si c’est donné, c’est reçu. C’est quelque chose qui nous rend vraiment réceptifs à l’action de l’Esprit.

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