7 Anecdotes de la vie de saint Thomas

Chaque vie de saint regorge de multiples anecdotes plus ou moins vraies. Ces anecdotes font ressortir un aspect ou l’autre de la personnalité du saint, et nous donnent de mieux le connaître. Voici donc 7 anecdotes pour mieux connaître saint Thomas d’Aquin.

 

Anecdotes extraites de L’histoire de saint Thomas d’Aquin de Guillaume de Tocco

Gravures extraites de la Vie de saint Thomas d’Aquin de Otto van Veen

 

1. Des larmes pour un morceau de papier

 

Il arriva que la mère du saint se rendît à Naples, aux bains, avec d’autres dames et qu’elle y fît porter son fils par la nourrice. Celle-ci ayant fait asseoir l’enfant à l’endroit habituel, il y trouva par miracle un petit morceau de papier, qu’il saisit spontanément. Puis, comme la nourrice voulait le dévêtir et ouvrir la main qui tenait le papier, l’enfant se mit à hurler très fort. Prise de pitié, elle le baigna, le sécha et le rhabilla avec le poing toujours serré ; et elle le ramena ainsi à sa mère. La mère, qui avait ouvert la main fermée de l’enfant, malgré ses pleurs, y trouva un feuillet portant ces seuls mots : « Je vous salue, Marie », la salutation à la Vierge glorieuse. Il convenait en effet à la divine Providence que parût chez l’enfant ce qui se manifesterait plus tard chez le maître, que fût pressentie la doctrine salutaire qu’il dispenserait à l’âge adulte, lui à qui il fut accordé, sous l’impulsion du divin Esprit, de trouver ce feuillet contenant le fondement de notre salut.

 

2. Les mugissements du Bœuf muet

 

A son arrivée [à Cologne], en entendant maître Albert enseigner avec une profonde et remarquable connaissance dans tous les domaines, le jeune homme se réjouit d’avoir déjà trouvé ce qu’il cherchait, la source où abreuver son ardente soif. Montrant ainsi que tel était bien son but, il se mit à observer un silence étonnant ; assidu à l’étude, fervent dans ses prières, il recueillit en sa mémoire ce qu’il dispenserait plus tard dans son enseignement. Et comme le jeune homme taciturne cachait sous le voile d’une étonnante simplicité tout ce qu’il apprenait du maître et ce que Dieu dans sa miséricorde répandait sur lui, les frères commencèrent à l’appeler le Boeuf muet, sans savoir quel mugissement son enseignement produirait plus tard. […] Comme frère Thomas [répondait à une question difficile] de manière satisfaisante, maître Albert eut, dit-on, cette phrase prophétique : « Nous l’appelons le Boeuf muet, mais bientôt il fera retentir, par son enseignement, un tel mugissement que le monde entier en retentira. » Cette prophétie s’est accomplie, car dans le monde entier, alors que sa doctrine est diffusée parmi les fidèles, l’Eglise est instruite par sa voix.

 

3. Une sortie impromptue

 

Alors qu’il était de passage au couvent de Bologne et s’y attardait quelque peu, et qu’à son habitude il marchait dans le cloître tout en méditant, un frère d’un autre couvent, qui ne connaissait pas le docteur, vint à lui. Il avait en effet obtenu du prieur la permission d’inviter le premier frère qu’il rencontrerait à l’accompagner en ville pour ses affaires. « Mon bon frère, dit-il à Thomas, le prieur vous ordonne de venir avec moi. » Et lui, acquiesçant d’un hochement de tête, le suivit sur-le-champ. Comme il ne pouvait marcher aussi vite que son compagnon, celui-ci n’arrêtait pas de lui en faire reproche, et il s’excusait humblement. Mais les habitants de la ville, qui connaissaient Thomas, s’étonnaient de ce qu’un frère de rang modeste marchât devant un si grand docteur, alors que ce dernier aurait dû le précéder. Jugeant qu’il devait s’agir d’une erreur, ils révélèrent au frère qui était celui qu’il menait. Celui-ci, se retournant vers frère Thomas, le pria de lui pardonner son ignorance. Les citadins se pressèrent autour du maître avec respect et l’interrogèrent sur ce remarquable exemple d’humilité. Il leur répondit alors que la vie religieuse ne peut s’accomplir que dans l’humilité, par laquelle l’homme se soumet à l’homme pour l’amour de Dieu, de même que Dieu a obéi à l’homme par amour de l’homme.

 

4. Seul pour tirer un bateau

 

Comme il était sur un bateau avec de nombreux frères de son ordre et que les marins remontaient un fleuve, et que plusieurs d’entre eux, descendus sur la rive, tiraient le bateau à grand-peine à l’aide d’un câble, saint Thomas dit en soupirant : « Le genre humain manque tellement de force que de nombreux hommes parviennent à peine à tirer ce navire, alors qu’il obéirait au commandement d’un seul si ce dernier se conformait à la volonté de son Dieu. » Et, au bout d’un moment, comme les marins étaient très fatigués, le saint compatissant dit à ses compagnons : « Descendons et aidons un peu ces marins. » Et quand ils furent descendus, le maître, sans aucune difficulté, se mit à tirer tout seul, sur une certaine distance, le bateau qu’à plusieurs ils pouvaient à peine déplacer. Alors ses compagnons, admirant la distance parcourue, étonnant prodige, se mirent à haler avec le maître. Ce miracle témoigne de la sainteté de celui qui, depuis qu’il fut sorti du ventre maternel, n’offensa pas le Créateur volontairement. Il convenait en effet que celui qui commandait si innocemment à son propre corps se fît par un miracle si facilement obéir d’un autre.

 

5. La belle ville de Paris

 

Un jour qu’il revenait avec ses étudiants de Saint-Denis, où il était allé voir les reliques des saints et la sainte abbaye des moines, et qu’il voyait la ville de Paris toute proche, les étudiants lui dirent : « Maître, voyez comme elle est belle, la ville de Paris ! Aimeriez-vous en être le maître ? » Ils espéraient ainsi entendre de sa bouche un mot édifiant. Et lui de répondre : « Je préférerais plutôt avoir les homélies de Jean Chrysostome sur l’évangile du bienheureux Matthieu ! Si cette ville m’appartenait, elle m’arracherait, par le souci de son administration, à la contemplation des choses divines et ferait obstacle à la consolation de mon âme. » En effet, plus on est entravé par l’amour des biens temporels et plus on se coupe dangereusement des choses célestes. L’avisé docteur savait en effet qu’aucun de ceux qui combattent pour Dieu ne s’encombre des affaires temporelles, s’il veut donner satisfaction à Celui qui l’a engagé. Aussi ne voulut-il pas s’engager dans le monde, lui qui s’était totalement placé au service de son Dieu.

 

6. A la table du roi de France

 

A propos de cette abstraction mentale et de cette contemplation, merveilleuses et inouïes, on raconte qu’une fois que saint Louis, roi de France, l’avait invité à sa table, il s’excusa humblement en raison du travail que représentait la Somme de théologie, qu’il était en train de dicter à ce moment-là. Mais le roi et le prieur du couvent de Paris obtinrent du maître à la fois humble et sublime dans sa contemplation qu’il s’inclinât devant leur volonté. Il quitta donc son étude, et, gardant à l’esprit les pensées qu’il avait formées quand il était dans sa cellule, il se rendit chez le roi. Comme il était assis à sa table, une vérité de foi lui fut tout à coup divinement inspirée. Alors il frappa la table de son poing en disant : « Cette fois, c’en est fait de l’hérésie des manichéens ! » Alors le prieur lui dit en le touchant : « Prenez garde, maître, vous êtes à la table du roi de France ! » Et il tira vivement sur sa chape, pour le faire sortir de son abstraction. Alors le maître, semblant revenir à ses sens, s’inclina devant le saint roi en le priant de lui pardonner d’avoir eu une telle distraction à la table royale. Le roi fut admiratif et édifié par la conduite du maître, car celui-ci, qui appartenait à la noblesse, aurait pu se laisser charmer par l’invitation royale et être distrait de sa contemplation. Et pourtant ce fut l’abstraction de l’esprit qui domina en lui, à ce point que ses sens ne purent faire descendre son esprit des hauteurs où il se trouvait pendant le repas. Le saint roi fut assez avisé pour ne pas laisser perdre la méditation qui avait pu ainsi absorber l’esprit de notre docteur. Il appela donc son secrétaire, voulant faire consigner par écrit, en sa présence, ce que le docteur gardait en secret – bien que rien ne pérît dans la mémoire du docteur de ce qui lui était infusé par l’Esprit divin – pour qu’il le conservât.

 

7. Une envie de harengs

 

[Sur la route du concile général de Lyon, notre docteur] tomba malade et perdit l’appétit au point qu’il ne pouvait prendre plaisir à aucun aliment. Comme maître Jean di Guido, médecin à Piperno, lui demandait s’il avait envie d’un mets en particulier, il répondit qu’il ne pourrait rien avaler sinon les harengs qu’il avait mangés en France. Le médecin craignait de ne pouvoir fournir ce remède à son malade, l’éminent docteur, car cette espèce de poisson était introuvable. Se rendant sur la place du village, il trouva quelqu’un qui arrivait de Terracine avec un chargement de sardines fraîchement pêchées. Comme cet homme le déposait à terre pour voir si quelques autres poissons ne se mêlaient pas aux sardines, il découvrit, à la place des sardines, un panier de harengs frais. Le médecin en fut stupéfait, car on n’avait jamais vu de tels poissons dans la région ; de plus, le porteur des poissons ne cessait d’affirmer que c’était bien des sardines qu’il avait achetées. Tout joyeux, il fit porter les poissons au maître, pensant le réconforter grâce à cette nourriture qu’il désirait, et qui lui était miraculeusement adressée. Mais notre docteur, dans sa sagesse et sa conscience – plus grande chez lui que chez les autres – de la grandeur du dessein divin, vit qu’un grand miracle avait été accordé à son appétit par la divine miséricorde. Aussi refusa-t-il de manger les poissons qui lui étaient offerts, disant au médecin : « Maître, il vaut mieux que je m’en remette à la divine Providence, plutôt que d’oser manger de ces poissons qui m’ont été accordés par la puissance divine ; je les ai désirés avec trop de convoitise. » Nombreux sont ceux qui mangèrent de ces poissons, et nombreux sont ceux, encore vivants, qui ont entendu le récit du médecin. C’est pourquoi ce miracle demeura connu dans toute la région. Ô admirable signe de la divine miséricorde, qui voulut restaurer l’appétit de celui qui lui était dévoué, montrant ainsi que cet appétit ne s’était jamais porté sur quelque chose de contraire à la raison !

 

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